Bandes du réchauffement climatique

Warming stripes (moyenne mondiale, de à ).
Tendance à long terme pour des échelles territoriales différentes (une bande = température moyenne annuelle pour le lieu), à partir des premières données temporelles disponibles
1) Au centre de l'Angleterre de à une échelle colorée de 7,6 °C (bleu foncé) à 10,8 °C (rouge foncé)[1] ;
2) Températures annuelles pour les États-Unis contigus, de à (de 10,1 °C (bleu foncé) à 12,8 °C (rouge foncé) [2] ;
3) Températures annuelles à Toronto de à (de 5,5 °C (bleu foncé) à 11,0 °C (rouge foncé) [3]
4) Températures mondiales annuelles de à (l'échelle colorée couvre 1,35 °C [4].

Les bandes du réchauffement climatique (ou rayures de réchauffement ou warming stripes en anglais) sont une représentation graphique des données au style minimaliste et intuitif illustrant l’accélération du réchauffement climatique. Elles se présentent comme un alignement de fines bandes verticales colorées de manière à représenter visuellement la variation chronologique de température, année par année par rapport à la normale. Elles mettent clairement en évidence, même pour les non-scientifiques, une tendance sur le moyen et long terme[5],[6].

Cette visualisation des données de l'historique des températures accompagne souvent des animations[7] permettant de visualiser l'élévation du niveau de la mer[8] et divers travaux de prospective climatique[9] ou encore est utilisée pour juxtaposer visuellement les tendances de température avec d'autres données (émissions mondiales de gaz à effet de serre[10], recul global des glaciers[11], changements dans les précipitations[12], progression des profondeurs océaniques[13], ou encore émissions de l'aviation[14]).

Principe

Créées en par le climatologue britannique Ed Hawkins, de l'université de Reading, les warming stripes obéissent à un code de couleurs intuitif selon lequel le bleu représente une température froide et le rouge une température chaude. D'autre part, plus la couleurs d'une bande est foncée, plus l'écart à la normale a été important pour la période correspondante[15].

Contexte, publication et contenu

En , pour faciliter la visualisation du changement climatique pour le grand public, le climatologue de l'université de Reading, Ed Hawkins, crée un graphique animé en spirale[16] du changement de température globale en fonction du temps, représentation qui serait devenue virale[6],[17]. Jason Samenow (en) écrit dans le Washington Post que le graphique est « la visualisation du réchauffement climatique la plus convaincante jamais réalisée »[18], avant qu'il ne soit présenté lors de la cérémonie d'ouverture des Jeux olympiques d'été de [7].

Par ailleurs, le , Ellie Highwood (en), également climatologue à l'université de Reading, termine une « couverture du réchauffement climatique » au crochet inspirée des « couvertures de température » représentant les tendances de température dans les localités respectives[19]. Hawkins fournit alors à Highwood une échelle de couleurs plus conviviale pour éviter les différences de couleurs atténuées présentes dans la couverture de Highwood. Indépendamment, en , la scientifique estuarienne de l'université de Géorgie, Joan Sheldon, fabrique une « écharpe globalement chaude » comportant 400 rangées bleues, rouges et violettes, mais ne peut contacter Hawkins qu'en [20]. Highwood et Sheldon attribuent à leurs inspirations originales les « couvertures du ciel » et les « écharpes du ciel » qui sont basées sur les couleurs quotidiennes du ciel[21].

Le , Hawkins publie[22] des graphiques constituant une série chronologiquement ordonnée de rayures verticales bleues et rouges qu'il appelle « warming stripes »[6]. Hawkins, l'un des principaux auteurs du sixième rapport d'évaluation du GIEC, reçut la médaille Kavli de la Royal Society, en partie « pour avoir activement fait partager la science du climat et ses diverses implications à un large public » (« for actively communicating climate science and its various implications with broad audiences »[23].

Comme décrit dans un article de la BBC, au cours du mois où les grandes agences météorologiques publient leurs évaluations climatiques annuelles, Hawkins expérimente différentes manières de rendre les données mondiales et a « l'idée des rayures colorées » lorsqu'il essaie de la présenter sous forme de bannière au Hay Festival (en). Selon l'article, Hawkins comprend « qu'il [a] touché une corde sensible »[24]. Selon le National Center for Atmospheric Science (en) (Royaume-Uni), auquel Hawkins est affilié, ces rayures « dressent un tableau de notre climat changeant de manière convaincante. Hawkins a remplacé les points de données numériques par des couleurs auxquelles nous réagissons intuitivement »[25].

Ce graphisme à rayures de couleurs froides à chaudes rappelle peut aussi évoquer le mouvement pictural Color Field painting, né à New York dans les années et qui s'est développé aux États-Unis et au Canada dans les années , inspiré du modernisme européen et de l'expressionnisme abstrait qui élimine les références formelles visuelles et n'utilise que la couleur pour transmettre le sens du tableau[5]. L'un des artistes pionniers de ce mouvement pictural, Barnett Newman, a un jour déclaré qu'il « créait des images dont la réalité est évidente », une philosophie que Hawkins aurait appliquée au problème de la visualisation du réchauffement climatique[5].

« Je voulais communiquer les changements de température d'une manière simple et intuitive, en éliminant toutes les distractions des graphiques climatiques standard afin que les tendances à long terme et les variations de température soient claires comme de l'eau de roche. Notre système visuel se charge de l'interprétation des bandes sans même que nous y pensions. »

— Ed Hawkins, [5],[6]

En collaboration avec Robert Rohde (en) (scientifique au Berkeley Earth (en))[26], le , Hawkins publie (en licence ouverte, Creative Commons) pour un usage public, un grand nombre de graphiques du réchauffement visualisés par des bandes, sur ShowYourStripes.info[27]. Des graphiques en bandes colorées individualisées sont publiés pour différentes échelles de territoire (monde, la plupart des pays, et certaines régions plus petites telles que les États des États-Unis ou certaines parties du Royaume-Uni)[28], puisque certaines parties du monde se réchauffent bien plus rapidement que d'autres ; plus l'échelle est temporellement élargie et plus le territoire géographique est vaste, plus la visualisation montre de manière nette la tendance à un réchauffement global très rapide[29].

Données

Ces « codes barres » colorés du réchauffement climatique sont construits à partir de plusieurs paramètres dont[22] :

  • des séries de température (source : organisation météorologique mondiale) ;
  • un lieu de mesure (planète, pays, état, région, etc.) ;
  • une période de temps (plage d'années, pour l'axe horizontal) ;
  • une plage de température (plage d'anomalie (déviation) autour d'une température de référence ou de ligne de base) ;
  • une échelle de couleurs (qui décrit les plages d'anomalies respectives de température) ;
  • un choix de couleurs (nuances de bleu et de rouge) ;
  • des limites de température (température au-dessus de laquelle une bande est rouge et en dessous de laquelle est bleue, déterminée par une température annuelle moyenne sur une « période de référence » ou « base » de 30 ans en général).

Les graphiques originaux de Hawkins utilisent les huit bleus et les huit rouges les plus saturés des palettes de teintes simples de classe ColorBrewer (en) 9, qui optimisent les palettes de couleurs pour les cartes, et sont réputés pour leur accessibilité aux daltoniens :

Échantillon HTML Rang
#67000D 8 (le plus chaud)
#A50F15 7
#CB181D 6
#EF3B2C 5
#FB6A4A 4
#FC9272 3
#FCBBA1 2
#FEE0D2 1
#FFFFFF
#DEEBF7 1
#C6DBEF 2
#9ECAE1 3
#6BAED6 4
#4292C6 5
#2171B5 6
#08519C 7
#08306B 8 (le plus froid)

Hawkins affirme que son choix de couleurs a aussi une motivation esthétique et de justesse (« Je pense qu'ils ont l'air juste »), il sélectionne aussi les périodes de référence et les nuances de bleu et de rouge plus ou moins clairs à sombres pour conserver un équilibre esthétique à la visualisation.

Influence

Le caractère intuitif de ce graphique le rend aisément compréhensible, même (et surtout) pour des non-scientifiques. Il connaît donc une notoriété très rapide et est repris sur de très nombreux supports : maillot de l'équipe de football du Reading FC en Angleterre, défilé de mode, masques anti-covid, canettes de bière Pueblo Vida, couverture du livre The Climate Book de Greta Thunberg, etc.[15]

Références

  1. données sources (archives)
  2. données
  3. données
  4. données
  5. a b c et d (en) Brian Kahn, « This Climate Visualization Belongs in a Damn Museum », sur Gizmodo, .
  6. a b c et d (en) « This Has Got to Be One of The Most Beautiful And Powerful Climate Change Visuals We've Ever Seen », Science AF, sur ScienceAlert (en), .
  7. a et b (en) Umair Irfan, « Climate change data: the clothes and crafts inspired by “warming stripes” », sur Vox, (consulté le ).
  8. (en) John A. Church et Neil J. White, « Sea-Level Rise from the Late 19th to the Early 21st Century », Surveys in Geophysics (en), vol. 32, nos 4-5,‎ , p. 585–602 (ISSN 0169-3298 et 1573-0956, DOI 10.1007/s10712-011-9119-1, lire en ligne, consulté le ).
  9. (en) Brian Kahn, « New Climate Change Visualization Presents Two Stark Choices For Our Future », sur Gizmodo, (consulté le ).
  10. (en) Emanuele Bevacqua, « Climate change visualizations », sur emanuele.bevacqua.eu (consulté le ).
  11. (en) Michael Zemp, Matthias Huss, Emmanuel Thibert, Nicolas Eckert, Robert McNabb, Jacqueline Huber, Martina Barandun, Horst Machguth, Samuel U. Nussbaumer, Isabelle Gärtner-Roer, Laura Thomson, Frank Paul, Fabien Maussion, Stanislav Kutuzov et J. Graham Cogley, « Global glacier mass changes and their contributions to sea-level rise from to  », Nature, vol. 568, no 7752,‎ , p. 382–386 (ISSN 0028-0836 et 1476-4687, PMID 30962533, DOI 10.1038/s41586-019-1071-0, HAL hal-02121653, lire en ligne, consulté le ).
  12. (en-US) Rebecca Lindsey et Jared Rennie, « "Climate stripes" graphics show U.S. trends by state and county », sur climate.gov, NOAA, .
  13. (en) Anouk Timmerman, Marjolijn Haasnoot, Hans Middelkoop, Tjeerd Bouma et Sadie McEvoy, « Ecological consequences of sea level rise and flood protection strategies in shallow coastal systems : A quick-scan barcoding approach », Ocean & Coastal Management, vol. 210,‎ , article no 105674 (DOI 10.1016/j.ocecoaman.2021.105674, lire en ligne, consulté le ).
  14. (en) Institute of Physics, « Aviation's present-day contribution to human-induced global warming is 4% and will increase over the next 30 years », sur Phys.org, (consulté le ).
  15. a et b Thomas Baïetto, « COP27 : on vous raconte l'histoire des "Warming Stripes", le meilleur graphique pour comprendre le réchauffement climatique », sur francetvinfo.fr, .
  16. (en) Ed Hawkins, « Spiralling global temperatures », sur Climate Lab Book, .
  17. (en) Veronika Meduna (en), « The climate visualisations that leave no room for doubt or denial », sur The Spinoff (en), (consulté le ).
  18. (en) Jason Samenow (en), « Unraveling spiral : The most compelling global warming visualization ever made », The Washington Post, (consulté le ).
  19. (en) Dasaraden Mauree et Ellie Highwood (en), « The art of turning climate change science to a crochet blanket », Atmospheric Sciences, sur blogs.egu.eu, Union européenne des géosciences, (consulté le ).
  20. (en) Somini Sengupta (en), « The surprising story of ‘warming stripes’ », The New York Times, (consulté le ).
  21. (en) Mike Munsell, « Who really invented the climate stripes? », sur Canary Media, (consulté le ).
  22. a et b (en) Ed Hawkins, « Warming stripes », sur Climate Lab Book, (consulté le ).
  23. (en) « Our changing climate : learning from the past to inform future choices », sur royalsociety.org, Royal Society (version du sur Internet Archive).
  24. (en) Jonathan Amos, « The chart that defines our warming world », BBC News, (consulté le ).
  25. (en) « Ed Hawkins' warming stripes add colour to climate communication », sur ncas.ac.uk, National Centre for Atmospheric Science (en), (consulté le ).
  26. (en) David Vetter, « From Dresses To Electric Cars, Why Are These Stripes All Over Social Media? », Forbes, (consulté le ).
  27. (en) Eli Kintisch (en), « New climate ‘stripes’ reveal how much hotter your hometown has gotten in the past century », Science Shots, Science, (DOI 10.1126/science.aay5354, consulté le ).
  28. (en) « #ShowYourStripes », sur showyourstripes.info (consulté le ).
  29. (en) Adele Peters, « One of the best climate change graphics we've ever seen », Fast Company, (consulté le ).
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